Laïcité : La prévention spécialisée doit briser le tabou de la religion
Passage obligé pour les professionnels : repenser et défendre leur conception de la laïcité .
Cet article fait partie du dossier:
Pratiques professionnelles et laïcité : comprendre les enjeux, refuser l'instrumentalisation
voir le sommaire«Le retour de l’islam en banlieue n’est-il pas corrélé à l’augmentation de la pauvreté qui favorise toujours la superstition, les jeux du hasard ?» s’interroge d’emblée Alexandre, éducateur spécialisé dans le Val-d’Oise, souhaitant garder l’anonymat, tant le traumatisme de la couverture médiatique des émeutes de 2005 est encore grand.
Avec ses collègues Fanny et John, qui travaillent dans d’autres communes emblématiques des révoltes, il veut souligner la cause sociale d’un phénomène qui reste tout relatif. Les jeunes de ces quartiers éternellement «difficiles» se disent musulmans non pratiquants, et sont surtout très sensibles à l’islamophobie et aux discriminations. Et l’accueil réservé par Nicolas Sarkozy au pape, le 12 septembre, a renforcé le sentiment d’une laïcité de surface. La première génération de jeunes 100% Français et musulmans est consciente que l’islam est toujours considéré comme la «religion de l’étranger».
Expliquer aux jeunes
Sur le terrain, la question se pose au quotidien : comment assurer la liberté de conscience et garantir la liberté d’exercice du culte dans la prévention spécialisée ? «Quand j’organise des séjours, je vérifie si je peux faire livrer de la viande halal. Sinon, j’essaie de faire passer la notion qu’il faut s’adapter. Puis je leur demande s’ils n’ont jamais mangé chez Mac Do. Beaucoup ne savent pas très bien ce que halal veut dire», confie Jamina Jubien, éducatrice spécialisée de l’Adsea 28, qui intervient dans l’agglomération Chartraine. Mais elle a également vécu le choc avec le religieux : «Un jeune qui ne vous serre pas la main parce que vous êtes une femme, c’est assez violent. Son père, pourtant musulman croyant, a fait le travail à ma place. En demandant à son fils s’il serrait la main de sa mère, il m’a témoigné du respect.»
La prévention spécialisée doit relever un défi en repensant la laïcité, la manière de la faire comprendre à ces jeunes qui en ignorent le sens. La laïcité, ils s’en méfient. Ils la perçoivent comme une menace du religieux «La laïcité, ils s’en méfient. Ils la perçoivent comme une menace du religieux, alors qu’elle garantit la liberté de culte», estime Alexandre. «Pendant la visite du pape, un jeune me demandait si j’étais catho, se souvient John. Quand je lui ai dit que j’étais athée, il ne savait pas ce c’était. Nous en avons parlé.»
Durant le Ramadan, la plupart des éducateurs d’origine maghrébine, nombreux dans la prévention spécialisée, sont questionnés par les jeunes. «On me demande si je fais le Ramadan. C’est délicat, parce que ces questions touchent à l’intime, témoigne Jamina Jubien. Je joue la carte de l’honnêteté. Non, je ne fais pas le Ramadan. Et j’explique que chacun est libre d’avoir des croyances religieuses et de ne pas les communiquer aux autres.» Aziz Boutmedjet, éducateur spécialisé à Nice, a lui été interpellé par un jeune musulman parce qu’il fumait dans la rue pendant le Ramandan. «Je lui ai répondu que c’est une question personnelle. S’il insiste, je peux lui proposer un débat, mais dans un autre cadre. Cela me laisse le temps d’approfondir avec les équipes les réponses à apporter.» Et d’ajouter : «Tout le monde n’ose pas aborder la question de la religion…»
Formations
L’ensemble des professionnels signent l’aveu : la religion reste un tabou dans le travail social. «C’est une question du quotidien, que l’on ne pose pas forcément en réunion d’équipe ou en supervision», admet Jamina Joubien. Et certains éducateurs, qui avouent «ne pas être tout à fait au clair» avec la laïcité, déplorent l’absence de formation sur le sujet. En octobre, la fédération Unasea en a organisé une sur «les pratiques éducatives à l’épreuve de la diversité culturelle». La majorité des éducateurs présents affirmaient participer pour la première fois à une formation traitant de ces questions.
Sommaire du dossier
- Article 01 - Les députés disent oui à une version allégée de la loi « Baby-Loup »
- Article 02 - Laïcité : comment l’appliquer sur le terrain ?
- Article 03 - Entretien vidéo avec Jean-Michel Quillardet : «La laïcité est incomprise et menacée»
- Article 04 - La laïcité, un combat au quotidien
- Article 05 - Laïcité : La prévention spécialisée doit briser le tabou de la religion
- Article 06 - Laïcité : l’identité religieuse assumée de la Fondation d’Auteuil
- Article 07 - Laïcité : A l’hôpital, le choc des incultures
- Article 08 - Baby-Loup : l’épilogue de la saga judiciaire
- Article 09 - Laïcité et voile intégral – Le dossier du Courrier des maires
- Article 10 - Laïcité et collectivités : les analyses juridique de la Gazette
- Article 11 - Laïcité : lois et décrets de référence
- Article 12 - Le Haut Conseil à l’intégration propose d’encadrer l’expression religieuse en entreprise
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je trouve que trop souvent y compris dans vos témoignage laïcité = athéisme. Vous voulez éradiquer la religion source de conflits à vos yeux. C’est trop simpliste. La vraie religion est source d’amour et de solidarité. Dans le milieu du social il y a beaucoup d’athées.