“ L’investissement social, ce n’est pas mettre le social au service de l’économie ” – Entretien avec Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale

Un colloque, « L’investissement social : quelle stratégie pour la France ? », est organisé le 26 janvier. À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec Jean-Philippe Vinquant, le directeur général de la cohésion sociale.
Le 26 janvier un colloque conclura le séminaire « l’investissement social : quelle stratégie pour la France ? ». D’où vient cette démarche ?
Elle s’inscrit dans la continuité des réflexions engagées par la Commission européenne dans le cadre de la stratégie 2020. Sur le plan national, le lancement du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale en 2013, le rapport du Cese coordonné par Bruno Pallier de février 2014, se sont également intéressés à cette notion.
Avec un certain nombre de partenaires, nous avons souhaité initier un cycle de réflexion pour voir comment elle pourrait être utilisée en France. Cinq séminaires thématiques sur les politiques de la petite enfance, de la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et d’égalité entre les femmes et les hommes, de la jeunesse et de la formation tout au long de la vie, de l’emploi et du vieillissement actif nous ont permis d’avoir un véritable échange avec des acteurs de terrain autour d’exemples concrets.
« Préparer pour avoir moins à réparer ». L’investissement social remet-il en cause l’« État providence » ?
Non. Au contraire ! Nous avons la chance d’avoir un système de protection sociale très complet qui protège des principaux risques de la vie. Il ne s’agit donc pas du tout de le démanteler, mais de se servir de ce socle pour construire une politique mieux adaptée aux évolutions des besoins des personnes et mobiliser un modèle d’action plus préventif. Les sociétés évoluent et il faut avoir le courage de revisiter un certain nombre de dispositifs qui ne correspondent plus forcément aux attentes.
Aujourd’hui, un travailleur social est de plus en plus souvent amené à traiter en même temps plusieurs problématiques pour un même individu dont aucune ne peut être traitée isolément. Nous devons travailler sur ce lien et sur les interstices entre nos politiques, afin de mieux sécuriser les transitions dans les parcours de vie et proposer des perspectives pour rebondir.
La notion d’investissement emprunte au vocabulaire économique. Est-elle bien comprise ?
Nous devons mieux expliquer ce qui la différencie de l’intervention économique ou de la responsabilité sociale des entreprises par exemple. Il ne s’agit pas de mettre le social au service de l’économie ou de privilégier l’investissement matériel. C’est un investissement dans l’humain. Ici le retour que nous attendons concerne le renforcement de la cohésion sociale, en évaluant mieux aussi la nature de ce retour. Le dispositif de la garantie jeunes, par exemple, renforce l’accompagnement des jeunes pour les amener vers l’emploi.
Comment comptez-vous mobiliser les acteurs ?
De très nombreuses innovations viennent des territoires. Le rôle des collectivités en particulier est très important. Il ne s’agit pas d’élaborer une politique nationale prescriptive en disant : c’est comme cela qu’il faut faire. Nous souhaitons plutôt proposer un cadre qui permette aux acteurs locaux de développer des initiatives innovantes. Notre colloque de clôture est donc autant un aboutissement qu’un point de départ. Nous y proposerons une synthèse du travail réalisé, mais nous aimerions aussi élaborer une grille de lecture qui permettrait à tous les acteurs sociaux d’analyser leurs politiques et leurs actions au regard de la notion d’investissement social pour voir si et comment elle s’y rattache.
Le Séminaire « L’investissement social : quelle stratégie pour la France ? » a été conduit en partenariat par la Caisse nationale des allocations familiales, la DGCS, France Stratégie, le laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Sciences Po) et la fondation Apprentis d’Auteuil. La séance de clôture se tient le 26 janvier au ministère des Affaires sociales et de la Santé, salle Laroque.
Sommaire du dossier
- Article 01 - L’Odas veut redonner de l’élan au pacte républicain
- Article 02 - 6 000 idées pour lutter contre la pauvreté
- Article 03 - Le consensus règne en faveur d’une réforme nationale
- Article 04 - “ L’investissement social, ce n’est pas mettre le social au service de l’économie ” – Entretien avec Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale
- Article 05 - État providence : l’improbable coup de grâce – Pierre Gauthier, ancien directeur général de l’action sociale, ancien président de l’Unaforis
- Article 06 - Le collectif Alerte veut en finir avec les politiques à la petite semaine
- Article 07 - L’Uniopss veut une loi de programmation contre la pauvreté
- Article 08 - La fracture sociale
- Article 09 - Le revenu universel peut-il réduire la grande pauvreté ?
- Article 10 - La société civile devrait être mieux associée
- Article 11 - En Allemagne, la campagne électorale se fait sur la cohésion sociale
- Article 12 - Le rassemblement sera territorial ou ne sera pas: la santé y tiendra un rôle important
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