La création du doctorat en travail social pose des enjeux politiques et académiques

La création de doctorats a occupé un rôle central dans le processus de reconnaissance des sciences de la nature et des sciences humaines et sociales, en tant que disciplines académiques. L’institutionnalisation de ces titres et l’organisation du parcours de formation permettant d’y accéder varient selon les domaines ainsi que les contextes nationaux et géographiques. Ils permettent de rendre légitime la poursuite de certaines activités, à travers la reconnaissance d’une expertise scientifique et professionnelle. Quels défis se présentent face la création d’un doctorat de travail social et des articulations possibles entre enjeux académiques et professionnels ? C’est la question que se sont posée praticiens et chercheurs à l’occasion du 4e Forum international du travail social à Paris.
Souvent exigé à l’heure actuelle par les instances de financement de la recherche comme signe d’une compétence reconnue par les pairs, le doctorat permet également d’asseoir une activité professionnelle en dehors du monde académique et de contribuer à l’établissement d’une profession comme en médecine ou en droit par exemple.
L’existence de thèses professionnelles (médecine ou pharmacie) semble constituer l’organisation idéale entre usages académiques et professionnels. Dans le champ du social, des défis se posent à la création du doctorat de travail social.
Penser les enjeux du doctorat de manière contextualisée
Dans le champ du social, des défis se posent à la création du doctorat de travail social. « Le champ scientifique est comme un espace de lutte de positions institutionnelles autour de l’autorité politique, a rappelé Jean-Pierre Tabin, professeur de politique sociale à la Haute école de travail social (Genève) lors du 4e Forum international du travail social qui s’est tenu du 1er au 3 février à Paris.
Les contextes et les politiques nationales de formations étant très variables, il faut donc penser les enjeux du doctorat de manière contextualisée. » Il n’y a pas, selon lui, une seule forme de recherche doctorale puisqu’elle diffère en fonction des contextes nationaux. Il est cependant important de créer un champ scientifique dans le domaine du travail social car « il y a une réelle différence entre la recherche empirique dans le cadre d’un doctorat et la recherche dans le champ du social ».
Des luttes de définition sur la démarche méthodologique
Que représente cette recherche dans le champ du travail social ? « La réponse fait l’objet de luttes politiques », rapporte Arnaud Frauenfelder, professeur de sociologie à la Haute école de travail social de Genève également. Notamment concernant les domaines et les thèmes de recherche. Il existe aussi des luttes de définition sur la démarche méthodologique ainsi que sur les objectifs et la finalité de la recherche : l’utilité est-elle sociale ? Est-ce pour une contribution au changement social ? À la recherche clinique ? Ou encore sur l’innovation sociale ?
Quelle place pour la recherche en travail social ?
« L’analyse des luttes de définition de la recherche en travail social est un travail très riche à réaliser », estime Arnaud Frauenfelder. D’autant plus qu’à côté de ces enjeux de définition, il y a des luttes de position sur la place de la recherche en travail social, sur la place de cette discipline au sein des autres disciplines ou encore sur les méthodes de recherche.
« La question de l’institutionnalisation du doctorat en travail social pose des enjeux politiques et académique. Il faut continuer à y réfléchir en marchant dans cette direction et donc en allant vers son développement », conclut Jean-Pierre Tabin.
Sommaire du dossier
- Article 01 - Quel avenir pour le travail social ?
- Article 02 - La pluridisciplinarité des travailleurs sociaux questionne les règles du partage d’informations
- Article 03 - L’angoisse des travailleurs sociaux se heurte à l’absence de réponse
- Article 04 - A la suite du rapport Bourguignon, le Premier ministre annonce un plan d’action
- Article 05 - Des états généraux du travail social alternatifs
- Article 06 - « Il est urgent de mettre en discussion «contradictoire» la question sociale autour de ses enjeux politiques »
- Article 07 - « Quand ils sont associés aux changements, les travailleurs sociaux expriment une forte créativité » – Annick Gresset Veys, coordinatrice du Cnade
- Article 08 - « On a enfermé les travailleurs sociaux dans des logiques de gestion de dispositifs et on leur reproche en même temps de ne pas travailler en mode projet »
- Article 09 - Travail social : en Champagne-Ardenne, précaires et travailleurs sociaux réfléchissent ensemble aux politiques menées
- Article 10 - Donner la parole aux usagers : avec quels moyens ?
- Article 11 - La création du doctorat en travail social pose des enjeux politiques et académiques
- Article 12 - Ségolène Neuville annonce des mesures pour revaloriser le travail social
- Article 13 - Le social en mode projet
- Article 14 - Les travailleurs sociaux montrent un esprit militant
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