La mobilité

C’est autour du mouvement (moveo, mettre en mouvement, pousser, déterminer) que s’inscrit la proxémie de la mobilité, à la fois capacité de déplacement et aptitude au changement d’état ou de statut.
En France, tant que les valeurs de permanence et de stabilité ont prédominé, l’individu mobile est maintenu à la marge, voire réprimé. Quand la norme s’inverse, la mobilité signifie adaptation à un marché du travail flexible et capacité à participer à la société.
Ce tournant, intégré à la théorie sociale, en sous-tend les pratiques : la pauvreté, le handicap, le genre, la nationalité, les ressources, le lieu de résidence sont sources d’inégalités de mobilité à corriger. Parallèlement, le droit à la mobilité, liberté fondamentale reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme, est dénié aux migrants.
La mobilité « véhicule des représentations alternativement positives ou négatives, selon les valeurs que l’on attribue aux changements qu’elle induit et qu’elle traduit tout à la fois », écrit Caroline Gallez.
Selon Bertrand Vergely (1), une « position conservatrice » y voit une « dégradation » ou une « chute » en philosophie platonicienne, une « déstabilisation des hiérarchies sociales » au niveau politique, un « besoin maladif de changement » en psychologie.
À l’inverse, une vision « progressiste » retient la « nouveauté », la « création de richesses », et la « souplesse ». L’auteur propose d’« échapper à ce clivage » avec Gilles Deleuze et sa philosophie du devenir.
Sous le prisme deleuzien d’une triple nécessité « de l’être », « du mouvement » et « de composer des rapports », la mobilité se réaliserait dans une « aspiration à voir advenir un jour un espace politique déterritorialisé », fondé sur le libre agencement de la pensée, du désir et de la création. Elle serait « l’effort pour être la vie même ».
« L’homme de la mobilité : autour de la pensée de Gilles Deleuze », Vergely Bertrand, in « Les annales de la recherche urbaine », n° 59-60, 1993. - Retourner au texte