La psychiatrie craint les conséquences du confinement

Suite au confinement, la plupart des structures de soins ambulatoires en psychiatrie ont fermé et assurent des entretiens téléphoniques avec les usagers confinés chez eux. Les hôpitaux s’organisent pour faire respecter les mesures barrière. Les professionnels souffrent cependant d’aller à l’encontre de leur déontologie en rompant les liens sociaux de leurs patients. Et craignent les conséquences du confinement sur leur santé psychique.
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Coronavirus : les professionnels de la santé et du social répondent présents
voir le sommaire« Nous procédons à une réorganisation profonde de notre fonctionnement, qui s’adapte au jour le jour », témoigne Radoine Haoui, psychiatre et président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier Gérard Marchant à Toulouse. C’est le cas des hôpitaux psychiatriques sur l’ensemble du territoire.
Balades individuelles
Les visites, les permissions de sortie, les balades dans les parcs hospitaliers sont annulées. « Les patients sont privés de leur liberté, ce qui d’habitude donnait une soupape dans leur prise en charge. C’est une situation difficile à tenir », relate Delphine Glachant, psychiatre au centre hospitalier Les Murets dans le Val-de-Marne et membre de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP).
Afin de permettre aux usagers de quand même prendre l’air, les deux établissements organisent des balades individuelles dans leur parc, chaque patient étant accompagné par un infirmier.
Réunions annulées
Les réunions des professionnels sont soit annulées, soit se tiennent dans de grandes salles en respectant la distance et les gestes barrière. Mais l’inquiétude est vive concernant les réunions soignants-soignés qui se tiennent en général une fois par semaine.
« Ces temps de régulation sont hyper importants. Nous sommes privés de tous les outils de soins psychiatriques », se révolte Mathieu Bellahsen, directeur du pôle de psychiatrie adulte du secteur Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et co-auteur du livre « La Révolte de la psychiatrie » (La Découverte, mars 2020).
Contacts téléphoniques
Conformément aux préconisations de maintien à domicile des personnes en situation de handicap, les usagers de la psychiatrie sont confinés chez eux. Les centres médico-psychologiques (CMP), les hôpitaux de jour sont fermés ou maintiennent une activité réduite qui consiste à entretenir un contact téléphonique avec les patients. « Une des spécificités de notre métier, c’est la rencontre en présentiel. Notre présence apporte quelque chose au patient. Là, on ne peut plus le faire. Cela enlève de l’efficacité et de la richesse de la relation. On marche sur une jambe », se désole Nicolas Lacoste, psychiatre à l’hôpital de jour de la MGEN à Bordeaux.
Les équipes réduites (8 professionnels actuellement au lieu de 20) appellent les patients afin de soulager leur solitude, d’apprécier leur état psychique et de les orienter si nécessaire vers une hospitalisation.
Enfin, des visites à domicile sont prévues pour les personnes les plus fragiles, les professionnels étant équipés de masques, pour l’instant. Car la pénurie de matériel de protection n’épargne pas le secteur.
Recrudescence des délires
« On remarque une recrudescence des pathologies délirantes qui tournent en général autour de la peur surveillance, de la contamination, de la menace. Là, les délires rejoignent la réalité et s’en nourrissent », poursuit Nicolas Lacoste.
« Nos usagers sont très inquiets. Leurs visions délirantes d’un complot mondial sont renforcées », témoigne Xavier Bonnemaison, psychiatre responsable de secteur du 13e arrondissement à Paris. Les personnels des CMP tentent, autant que possible par téléphone, d’informer et rassurer les personnes.
Souffrance des professionnels
« On est obligé de faire tout ce qui va à l’encontre des soins psychiatriques de qualité. Tout ce qui favorise la relation est arrêté. Blouses, masques, charlottes – les barrières sont revenues », regrette Mathieu Bellahsen.
« On travaille toute l’année pour sortir les patients de leur enfermement. Là, on doit leur dire “restez chez vous”. C’est une dimension qui heurte notre déontologie », confie Delphine Glachant. Et d’ajouter que l’on observe une augmentation du stress parmi les soignants car chacun réagit à l’épidémie à sa façon. « En étant angoissés, on transmet l’anxiété à nos patients », constate-t-elle.
Unités Covid 19
Les structures hospitalières sont en train de mettre en place des unités spéciales pour confiner les patients qui seraient atteints du virus sans gravité. Cela ne va pas sans problèmes car certains patients déambulent jour et nuit dans les couloirs. Quid cependant des formes graves ?
« Certains de nos usagers ne peuvent pas respecter les règles du confinement. Comment seraient-ils accueillis par les services de réanimation ci cela s’avérait nécessaire ? On a peur qu’une fois de plus, ils soient rejetés. Il y a le spectre de l’hécatombe », s’inquiète Xavier Bonnemaison. La crainte de la stigmatisation des usagers de la psychiatrie est partagée par l’ensemble des psychiatres.
La profession redoute également la fin du confinement. « Il y aura une recrudescence des hospitalisations énorme », prévoit Mathieu Bellahsen.
La radio sans nom tente de maintenir le lien
Ci et là, des initiatives se montent, comme par exemple cette radio mise en place par les équipes et les patients du secteur de Mathieu Bellahsen, la Radio sans nom, portée par Colifata France: « C’est une radio accessible à tout le monde. Nous avons ouvert un accueil radiophonique trois fois par semaine pour permettre aux usagers de la psychiatrie d’exprimer leurs angoisses, et d’y trouver des réponses. »
Sommaire du dossier
- Article 01 - Les associations se mobilisent pour maintenir la distribution de l’aide alimentaire, avec difficulté
- Article 02 - Covid-19 : la communication tardive du Gouvernement en direction du secteur social et médico-social
- Article 03 - La téléconsultation contre l’épidémie
- Article 04 - Les travailleurs sociaux face à la peur de la contamination
- Article 05 - Le secteur de l’aide à la personne fait front, malgré la pénurie
- Article 06 - Coronavirus : priorité au maintien à domicile pour le handicap
- Article 07 - À Lyon, les professionnels de santé et les acteurs du médico-social font face à la crise
- Article 08 - Le logement a rarement autant été une question de vie ou de mort
- Article 09 - La psychiatrie craint les conséquences du confinement
- Article 10 - Les procédures judiciaires à l’épreuve du Covid-19
- Article 11 - Covid-19 : les dérogations possibles au fonctionnement des ESMS
- Article 12 - Coronavirus : l’ESS craint pour ses missions sociales
- Article 13 - Les professionnels de la petite enfance font face au black-out
- Article 14 - Coronavirus : la cyberpsychologie au chevet des soignants
- Article 15 - Les services de protection de l’enfance tiraillés entre crise sanitaire et maintien de la prise en charge
- Article 16 - Coronavirus : l’intelligence artificielle, une alternative fiable
- Article 17 - Le suivi téléphonique, un pis-aller en attendant la reprise
- Article 18 - 5 conseils pour manager vos équipes à distance
- Article 19 - Coronavirus : des ressources pour faire face
- Article 20 - Le confinement des Ehpad doit se décider au cas par cas
- Article 21 - Les Hauts-de-France créent une réserve sociale
- Article 22 - Les écogestes du confinement, la prévention de l’exposition aux champs électromagnétiques
- Article 23 - Coronavirus : sur les marchés publics la commission européenne reste timide
- Article 24 - Le rapport Guedj pose les jalons de l’après-crise
- Article 25 - Covid-19 : comment les territoires font face
- Article 26 - « Il faut que les silos s’arrêtent et qu’on apprenne à travailler ensemble » – Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’union nationale ADMR
- Article 27 - Les 27 cherchent la sortie de crise
- Article 28 - Coronavirus : un protocole national pour les visites dans les EMSS
- Article 29 - Les centres de rétention restent ouverts
- Article 30 - Coronavirus : quelles sont les restrictions pour la petite enfance, le scolaire, et le périscolaire ?
- Article 31 - Malgré le confinement, le soutien à la parentalité cherche à garder le lien
- Article 32 - Face à la crise sanitaire, les maires au secours de leurs administrés
- Article 33 - Les personnels sont sur les genoux
- Article 34 - Les Hauts-de-Seine accompagnent les jeunes pendant le confinement
- Article 35 - Coronavirus : l’école au temps du confinement
- Article 36 - Stop aux féminicides : pendant le confinement, la lutte continue
- Article 37 - Les lois de finances s’adaptent à la crise sanitaire
- Article 38 - Déconfinement : quelles responsabilités pour les décideurs locaux ?
- Article 39 - Assouplissement financier pour les ESSMS : une circulaire détaille les règles
- Article 40 - Coronavirus : et si la deuxième vague était une crise sociale !
- Article 41 - Les Ehpad veulent sortir de la tourmente
- Article 42 - Le dispositif de dépistage se met en place
- Article 43 - Crise sanitaire : dernière minute !
- Article 44 - Coronavirus : un dispositif de prévention pour les enfants à Amiens
- Article 45 - Covid-19 : un tsunami qui interroge l’avenir de la Sécurité sociale
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Mon fils a décompensé dès les premiers jours de confinement ,cumulé avec d’autres événements influents précédent celui ci
La question essentielle serait : comment éviter ce confinement ?….
POURQUOI PAS SE TOURNER VERS LES PROCÉDURES MISES EN PLACE PAR LA CORÉE autres moyens mais sans confinement et donc sans rupture de soins et rencontres
Ou sont les masques, tests….!!!!
Une piste parmi d’autres…
Une amie infirmière au CHS portait un masque et respectait 1m … craignait plus le contact avec ses collègues qui ne respectaient pas ce minimum plutôt qu’avec les patients plus sensés et adaptés… inouï mais réel