Les procédures judiciaires à l’épreuve du Covid-19

Face à la crise sanitaire sans précédent que traverse actuellement la France et le reste du globe, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19, publiée le 24 mars 2020, a instauré un "état d’urgence sanitaire".
Cet article fait partie du dossier:
Coronavirus : les professionnels de la santé et du social répondent présents
voir le sommairePar Claire-Marie Dubois-Spaenle, avocat au barreau de Paris, associée au sein du Cabinet Seban & Associés
et Nadia Taillebois Zaiger, avocat au barreau de Paris, collaboratrice au sein du Cabinet Seban & Associés
Adoptées le 25 mars et publiées le 26 mars, une série d’ordonnances prises par le Gouvernement viennent préciser le contenu de cette loi. Parmi elles, une ordonnance modifie les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, et une autre est relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Depuis le 16 mars 2020, la plupart des juridictions sont fermées et seules les audiences relatives aux « contentieux essentiels » sont maintenues, parmi lesquels les référés visant l’urgence devant le tribunal judiciaire. De nombreuses zones de flou subsistaient toutefois, de sorte que la loi d’urgence du 24 mars 2020 et les ordonnances du 25 mars prises en son application sont venues apporter une clarification attendue par les professionnels du droit et les justiciables.
Ces mesures vont impacter l’ensemble des contentieux civils, notamment en matière d’obligations alimentaires, d’expulsion ou encore en matière de protection des majeurs. Elles sont applicables rétroactivement à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Prorogation des délais
Afin de préserver les droits des justiciables et de s’adapter aux contraintes du confinement, l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, reporte à la fin du mois qui suivra la fin de l’état d’urgence sanitaire la plupart des diligences, quelle que soit leur forme (acte, formalité, recours, prescription…) dont l’absence d’accomplissement peut produire des effets juridiques tels qu’une sanction, une prescription ou la déchéance d’un droit.
Ainsi, à titre d’exemple, le délai d’un mois pour interjeter appel d’une décision est prorogé. Dans ces conditions, un justiciable qui entend contester sa condamnation en première instance au titre d’une obligation alimentaire et dont le délai d’appel expire pendant la période d’urgence sanitaire, pourra interjeter appel de cette décision jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence.
Prorogation des mesures de protection des personnes vulnérables
Par ailleurs, les mesures de protection juridique des majeurs et celles de protection des victimes de violences conjugales dont le terme vient à échéance au cours de la période définie par l’ordonnance, sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période, à moins qu’il n’y ait été mis fin ou que leur terme ait été modifié par le juge compétent avant l’expiration de ce délai.
Des mesures de protection renforcée sont donc mises en place pour les personnes particulièrement vulnérables.
Dans le même esprit, une autre ordonnance spécifique prévoit que la trêve hivernale est prolongée jusqu’au 31 mai 2020.
Allègement du fonctionnement des juridictions civiles
Afin d’éviter les contacts physiques et de s’adapter aux enjeux sanitaires, mais aussi aux contraintes du confinement et des plans de continuation d’activité réduits des services, l’ordonnance portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale allège le fonctionnement des juridictions civiles et sociales, en permettant, notamment, l’information des parties et l’organisation du contradictoire par tout moyen. Le recours à la communication électronique et à la télécommunication audiovisuelle pour permettre une dématérialisation des audiences est facilité.
En outre, durant toute la période concernée par la loi d’urgence, la juridiction peut, sur décision de son président, statuer à juge unique en première instance et en appel. La collégialité peut être donc supprimée.
L’ordonnance prévoit également que lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont représentées ou assistées par un avocat, la juridiction pourra statuer sans audience et selon une procédure écrite. Les parties ne pourront pas s’y opposer lorsque la procédure est urgente et, pour les procédures non urgentes, les parties disposeront d’un délai de quinze jours pour s’y opposer.
Pas de report de l’ensemble des audiences non urgentes
Ainsi, à en lire les deux ordonnances publiées le 26 mars 2020, dans la mesure où ces dernières organisent le fonctionnement des audiences sans audience physique, par visio-conférence ou procédure écrite, les audiences seraient donc maintenues.
Références
- Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
- Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.
- Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale.
Sommaire du dossier
- Article 01 - Les associations se mobilisent pour maintenir la distribution de l’aide alimentaire, avec difficulté
- Article 02 - Covid-19 : la communication tardive du Gouvernement en direction du secteur social et médico-social
- Article 03 - La téléconsultation contre l’épidémie
- Article 04 - Les travailleurs sociaux face à la peur de la contamination
- Article 05 - Le secteur de l’aide à la personne fait front, malgré la pénurie
- Article 06 - Coronavirus : priorité au maintien à domicile pour le handicap
- Article 07 - À Lyon, les professionnels de santé et les acteurs du médico-social font face à la crise
- Article 08 - Le logement a rarement autant été une question de vie ou de mort
- Article 09 - La psychiatrie craint les conséquences du confinement
- Article 10 - Les procédures judiciaires à l’épreuve du Covid-19
- Article 11 - Covid-19 : les dérogations possibles au fonctionnement des ESMS
- Article 12 - Coronavirus : l’ESS craint pour ses missions sociales
- Article 13 - Les professionnels de la petite enfance font face au black-out
- Article 14 - Coronavirus : la cyberpsychologie au chevet des soignants
- Article 15 - Les services de protection de l’enfance tiraillés entre crise sanitaire et maintien de la prise en charge
- Article 16 - Coronavirus : l’intelligence artificielle, une alternative fiable
- Article 17 - Le suivi téléphonique, un pis-aller en attendant la reprise
- Article 18 - 5 conseils pour manager vos équipes à distance
- Article 19 - Coronavirus : des ressources pour faire face
- Article 20 - Le confinement des Ehpad doit se décider au cas par cas
- Article 21 - Les Hauts-de-France créent une réserve sociale
- Article 22 - Les écogestes du confinement, la prévention de l’exposition aux champs électromagnétiques
- Article 23 - Coronavirus : sur les marchés publics la commission européenne reste timide
- Article 24 - Le rapport Guedj pose les jalons de l’après-crise
- Article 25 - Covid-19 : comment les territoires font face
- Article 26 - « Il faut que les silos s’arrêtent et qu’on apprenne à travailler ensemble » – Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’union nationale ADMR
- Article 27 - Les 27 cherchent la sortie de crise
- Article 28 - Coronavirus : un protocole national pour les visites dans les EMSS
- Article 29 - Les centres de rétention restent ouverts
- Article 30 - Coronavirus : quelles sont les restrictions pour la petite enfance, le scolaire, et le périscolaire ?
- Article 31 - Malgré le confinement, le soutien à la parentalité cherche à garder le lien
- Article 32 - Face à la crise sanitaire, les maires au secours de leurs administrés
- Article 33 - Les personnels sont sur les genoux
- Article 34 - Les Hauts-de-Seine accompagnent les jeunes pendant le confinement
- Article 35 - Coronavirus : l’école au temps du confinement
- Article 36 - Stop aux féminicides : pendant le confinement, la lutte continue
- Article 37 - Les lois de finances s’adaptent à la crise sanitaire
- Article 38 - Déconfinement : quelles responsabilités pour les décideurs locaux ?
- Article 39 - Assouplissement financier pour les ESSMS : une circulaire détaille les règles
- Article 40 - Coronavirus : et si la deuxième vague était une crise sociale !
- Article 41 - Les Ehpad veulent sortir de la tourmente
- Article 42 - Le dispositif de dépistage se met en place
- Article 43 - Crise sanitaire : dernière minute !
- Article 44 - Coronavirus : un dispositif de prévention pour les enfants à Amiens
- Article 45 - Covid-19 : un tsunami qui interroge l’avenir de la Sécurité sociale
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