Le confinement des Ehpad doit se décider au cas par cas

L’urgence sanitaire ne justifie pas une décision nationale de confinement individuel des résidents, selon le comité national d’éthique. Au nom de la liberté d’aller et venir, limiter les déplacements ne peut résulter que de décisions étudiées au cas par cas, adoptées à titre exceptionnel, limitées dans le temps et expliquées.
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Coronavirus : les professionnels de la santé et du social répondent présents
voir le sommaireUne décision nationale de confinement préventif des résidents de tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et unités de soins de longue durée (USLD) doit-elle être adoptée ? La question s’inscrit évidemment dans le contexte particulier de la crise du Covid-19, qui a vu, le 11 mars 2020, la suspension de toute visite de personnes extérieures dans les Ehpad, huit jours plus tard la préconisation de la structuration d’un secteur dédié et isolé pour les résidents suspectés ou confirmés atteints par le virus, et le 28 mars, l’invitation du ministre de la Santé, Olivier Véran, à « se préparer à aller vers un isolement individuel de chaque résident dans les chambres », même sans cas suspect ou confirmé au sein de l’établissement.
Mesures temporaires et proportionnées
La question a donc été posée au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) par le ministre. Au regard des enjeux éthiques majeurs, principalement du principe de la liberté d’aller et venir qu’elle remet en cause, il s’agit donc de savoir si une telle mesure peut se justifier par l’état d’urgence sanitaire, par les avantages que la décision présenterait sur le plan de la santé publique et quelles seraient les conditions de faisabilité pour garantir le respect du confinement par les résidents.
Le groupe de travail du CCNE, qui s’est réuni en urgence le 27 mars, répond dans un avis du 30 mars. Inquiet des mesures générales de confinement dans les Ehpad et les USLD, il rappelle qu’une telle restriction des libertés est « nécessairement limitée dans le temps, proportionnée et adéquate aux situations individuelles ».
Explication et contrôle
Le CCNE écarte toute décision « générale et non contextualisée » de renforcement des mesures de confinement, « tant la situation des établissements diffère ». L’avis, signé par la présidente par intérim, Karine Lefeuvre, invite à un examen « au cas par cas », par le médecin coordonnateur et le directeur de l’établissement, en lien avec les tutelles.
« Pour tempérer la rigueur incontestable des mesures d’isolement et de contrainte », tous les moyens humains et ressources de l’établissement doivent être identifiés et mobilisés.
Le CCNE justifie ses réserves par la relation humaine et « l’environnement familial et amical » de la personne. Il faut « être attentif » à la souffrance engendrée par la restriction de déplacement et de visite. Il ajoute que l’urgence sanitaire n’autorise pas à diminuer les « exigences fondamentales de l’accompagnement et du soin », telles que le respect de la dignité humaine et le droit au maintien d’un lien social.
Tout renforcement des mesures de confinement doit enfin être expliqué aux résidents, aux familles et aux proches-aidants, et soumis à contrôle.
Circuler et accueillir les proches
La solution suggérée par le CCNE serait d’organiser des secteurs séparés, certains réservés aux résidents testés positivement au Covid-19, d’autres dédiés aux résidents non atteints, qui seraient dépistés régulièrement. Rappelant « l’importance fondamentale de la lutte contre l’isolement des aînés », le CCNE plaide pour la préservation « impérative » d’un espace de circulation physique, « même limité », en dépit des mesures d’isolement.
Le confinement ne doit pas devenir « une mesure de coercition », explique le comité. Il défend l’idée d’un accueil « organisé, régulé et sécurisé avec les protections qui s’imposent » pour les familles, elles aussi dépistées pour entrer. Une solution qui réclame, pour être mise en place, un approvisionnement suffisant en test de dépistage et la possibilité opérationnelle de les pratiquer.
Références
- Avis du 30 mars 2020, CCNE, réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les Ehpad et les USLD.
- Bulletin du 23 mars 2020, CCNE, questions éthiques soulevées dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 concernant les personnes vulnérables du fait de l’âge, du handicap ou de l’absence de domicile fixe.
- Contribution du 13 mars 2020, CCNE, « Enjeux éthiques face à une pandémie ».
Sommaire du dossier
- Article 01 - Les associations se mobilisent pour maintenir la distribution de l’aide alimentaire, avec difficulté
- Article 02 - Covid-19 : la communication tardive du Gouvernement en direction du secteur social et médico-social
- Article 03 - La téléconsultation contre l’épidémie
- Article 04 - Les travailleurs sociaux face à la peur de la contamination
- Article 05 - Le secteur de l’aide à la personne fait front, malgré la pénurie
- Article 06 - Coronavirus : priorité au maintien à domicile pour le handicap
- Article 07 - À Lyon, les professionnels de santé et les acteurs du médico-social font face à la crise
- Article 08 - Le logement a rarement autant été une question de vie ou de mort
- Article 09 - La psychiatrie craint les conséquences du confinement
- Article 10 - Les procédures judiciaires à l’épreuve du Covid-19
- Article 11 - Covid-19 : les dérogations possibles au fonctionnement des ESMS
- Article 12 - Coronavirus : l’ESS craint pour ses missions sociales
- Article 13 - Les professionnels de la petite enfance font face au black-out
- Article 14 - Coronavirus : la cyberpsychologie au chevet des soignants
- Article 15 - Les services de protection de l’enfance tiraillés entre crise sanitaire et maintien de la prise en charge
- Article 16 - Coronavirus : l’intelligence artificielle, une alternative fiable
- Article 17 - Le suivi téléphonique, un pis-aller en attendant la reprise
- Article 18 - 5 conseils pour manager vos équipes à distance
- Article 19 - Coronavirus : des ressources pour faire face
- Article 20 - Le confinement des Ehpad doit se décider au cas par cas
- Article 21 - Les Hauts-de-France créent une réserve sociale
- Article 22 - Les écogestes du confinement, la prévention de l’exposition aux champs électromagnétiques
- Article 23 - Coronavirus : sur les marchés publics la commission européenne reste timide
- Article 24 - Le rapport Guedj pose les jalons de l’après-crise
- Article 25 - Covid-19 : comment les territoires font face
- Article 26 - « Il faut que les silos s’arrêtent et qu’on apprenne à travailler ensemble » – Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’union nationale ADMR
- Article 27 - Les 27 cherchent la sortie de crise
- Article 28 - Coronavirus : un protocole national pour les visites dans les EMSS
- Article 29 - Les centres de rétention restent ouverts
- Article 30 - Coronavirus : quelles sont les restrictions pour la petite enfance, le scolaire, et le périscolaire ?
- Article 31 - Malgré le confinement, le soutien à la parentalité cherche à garder le lien
- Article 32 - Face à la crise sanitaire, les maires au secours de leurs administrés
- Article 33 - Les personnels sont sur les genoux
- Article 34 - Les Hauts-de-Seine accompagnent les jeunes pendant le confinement
- Article 35 - Coronavirus : l’école au temps du confinement
- Article 36 - Stop aux féminicides : pendant le confinement, la lutte continue
- Article 37 - Les lois de finances s’adaptent à la crise sanitaire
- Article 38 - Déconfinement : quelles responsabilités pour les décideurs locaux ?
- Article 39 - Assouplissement financier pour les ESSMS : une circulaire détaille les règles
- Article 40 - Coronavirus : et si la deuxième vague était une crise sociale !
- Article 41 - Les Ehpad veulent sortir de la tourmente
- Article 42 - Le dispositif de dépistage se met en place
- Article 43 - Crise sanitaire : dernière minute !
- Article 44 - Coronavirus : un dispositif de prévention pour les enfants à Amiens
- Article 45 - Covid-19 : un tsunami qui interroge l’avenir de la Sécurité sociale
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