Les Ehpad veulent sortir de la tourmente

D’après le dernier bilan, la moitié des 25 987 décès causés par le virus Covid-19 en France sont des résidents d’Ehpad, dont plus des deux tiers sont décédés dans leur établissement. Les résidents, les familles et le personnel des établissements concernés sont éprouvés, et la réouverture est très progressive et prudente. Pour sortir de la tourmente, les moyens de protection, les tests et les renforts de personnel sont arrivés, et des progrès ont été accomplis en termes de soutien médical et financier. Mais de nombreuses questions demeurent.
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Coronavirus : les professionnels de la santé et du social répondent présents
voir le sommaire« Il y a une montée des plaintes des familles », admet Louis Matias, délégué régional adjoint de la Fehap Ile-de-France (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs), tout en soulignant « la grande hétérogénéité des Ehpad », les uns très touchés par le virus, tandis que la plus grande partie le sont à peine, et la diversité des modes de communication, un certain nombre dans la transparence, d’autres dans l’opacité.
Les Ehpad ont manqué d’équipements
Malgré le confinement, le virus a circulé, comme le montre le grand nombre de salariés également atteints, selon les données publiées par Santé Publique France le 7 mai : 14 651 salariés dans 4 600 établissements d’hébergement de personnes âgées (Ehpad, résidences autonomie, résidences senior) où ils ont été testés après qu’un cas a été signalé. La campagne massive de tests menée dans les 706 Ehpad d’Ile-de-France jusqu’au 6 mai confirme ce bilan : en moyenne 25 % des résidents et 14 % des salariés sont porteurs du virus. Parmi ces derniers, « la plupart sont asymptomatiques », rapporte Louis Matias.
Or, les Ehpad ont manqué d’équipements de protection pour éviter la propagation du virus, comme de tests pour détecter les porteurs de Covid-19 et les isoler (ou, pour les salariés, les renvoyer chez eux) suffisamment tôt. Quant aux soins apportés, au matériel disponible et aux hospitalisations des résidents, de multiples questions demeurent en suspens. Autre difficulté majeure : les salariés fragiles ou malades ayant dû rester à leur domicile, l’absentéisme supplémentaire depuis le début de la crise a pu atteindre jusqu’à 14 %, voire 30 %, selon les données partielles communiquées par la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées), avec des pointes dans le Grand-Est et en Ile-de-France.
On demande une doctrine claire
Même aujourd’hui, malgré la distribution massive de masques et d’autres équipements, ainsi que la réserve sanitaire et autres renforts de personnels arrivés dans les établissements, les problèmes ne sont pas réglés.
« Concernant le personnel des Ehpad, cela reste extrêmement tendu. D’abord, en raison de l’épuisement des salariés sur le pont depuis deux mois et qui auraient besoin de repos. Ensuite parce que, si après des tests massifs, on constate de nombreux cas positifs, et parmi eux beaucoup d’asymptomatiques, que fait-on ? on les renvoie chez eux ? combien de temps ? On demande une doctrine claire de l’État », s’inquiète Didier Sapy, directeur général de la Fnaqpa. En outre, ajoute-t-il, « cela justifie le maintien de la réserve sanitaire pendant plusieurs semaines. »
La priorité est de protéger les personnes âgées
Des enjeux également cruciaux dans les 2 200 résidences autonomie (110 000 résidents) et les services à domicile, selon Annabelle Vêques, directrice de la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), car « les masques doivent être portés uniquement s’il y a des cas avérés ou suspects, alors que la priorité est de protéger les personnes âgées – sachant que les plus dépendants peuvent représenter jusqu’à 15 % du total dans une résidence – et de préserver les professionnels ».
Quant à la CGT Santé Action sociale, elle réclame pour les soignants « des masques FFP2 », surblouses, etc., au moment des soins, indique Malika Belarbi, qui anime le collectif national des Ehpad à la direction de la Fédération.
Le besoin d’un accompagnement post-traumatique
La réouverture des structures d’hébergement est très prudente, par crainte d’une deuxième vague. La priorité : prendre soin des résidents déprimés ou en perte d’autonomie en permettant les visites des familles et la venue de kinésithérapeutes, ergothérapeutes et autres professionnels de santé en mesure de les remobiliser.
Du côté du personnel, « la charge organisationnelle et émotionnelle est très forte là où il y a eu plusieurs décès brutaux de résidents », souligne Annabelle Vêques. « Des soignants se sont trouvés très démunis, face à l’anxiété des résidents, des familles, à leur propre anxiété. Ils n’ont pas pu accompagner les patients comme auparavant », relève Ève Rescanières, secrétaire générale de la CFDT Santé Sociaux, qui demande « un accompagnement post-traumatique ».
Des problèmes structurels restent à régler
Pour toutes ces raisons, la prime de 1000 à 1500 euros destinée au personnel des Ehpad, ainsi que le déblocage d’une aide de 475 millions d’euros pour remédier aux difficultés financières des établissements, annoncés le 7 mai par le Gouvernement, sont appréciés. Il en est de même de tous les moyens débloqués en quelques semaines, en particulier l’intervention d’équipes d’hospitalisation à domicile, la mise en place de référents gériatriques hospitaliers, ou encore le financement sans conditions des intervenants médicaux.
Mais des problèmes structurels restent à régler : effectifs insuffisants et pas assez qualifiés (fortes proportions de faisant fonction d’aides-soignants), difficultés importantes de recrutement, salaires trop faibles, conditions de financement des établissements, modes d’accompagnement des personnes âgées…
Sommaire du dossier
- Article 01 - Les associations se mobilisent pour maintenir la distribution de l’aide alimentaire, avec difficulté
- Article 02 - Covid-19 : la communication tardive du Gouvernement en direction du secteur social et médico-social
- Article 03 - La téléconsultation contre l’épidémie
- Article 04 - Les travailleurs sociaux face à la peur de la contamination
- Article 05 - Le secteur de l’aide à la personne fait front, malgré la pénurie
- Article 06 - Coronavirus : priorité au maintien à domicile pour le handicap
- Article 07 - À Lyon, les professionnels de santé et les acteurs du médico-social font face à la crise
- Article 08 - Le logement a rarement autant été une question de vie ou de mort
- Article 09 - La psychiatrie craint les conséquences du confinement
- Article 10 - Les procédures judiciaires à l’épreuve du Covid-19
- Article 11 - Covid-19 : les dérogations possibles au fonctionnement des ESMS
- Article 12 - Coronavirus : l’ESS craint pour ses missions sociales
- Article 13 - Les professionnels de la petite enfance font face au black-out
- Article 14 - Coronavirus : la cyberpsychologie au chevet des soignants
- Article 15 - Les services de protection de l’enfance tiraillés entre crise sanitaire et maintien de la prise en charge
- Article 16 - Coronavirus : l’intelligence artificielle, une alternative fiable
- Article 17 - Le suivi téléphonique, un pis-aller en attendant la reprise
- Article 18 - 5 conseils pour manager vos équipes à distance
- Article 19 - Coronavirus : des ressources pour faire face
- Article 20 - Le confinement des Ehpad doit se décider au cas par cas
- Article 21 - Les Hauts-de-France créent une réserve sociale
- Article 22 - Les écogestes du confinement, la prévention de l’exposition aux champs électromagnétiques
- Article 23 - Coronavirus : sur les marchés publics la commission européenne reste timide
- Article 24 - Le rapport Guedj pose les jalons de l’après-crise
- Article 25 - Covid-19 : comment les territoires font face
- Article 26 - « Il faut que les silos s’arrêtent et qu’on apprenne à travailler ensemble » – Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’union nationale ADMR
- Article 27 - Les 27 cherchent la sortie de crise
- Article 28 - Coronavirus : un protocole national pour les visites dans les EMSS
- Article 29 - Les centres de rétention restent ouverts
- Article 30 - Coronavirus : quelles sont les restrictions pour la petite enfance, le scolaire, et le périscolaire ?
- Article 31 - Malgré le confinement, le soutien à la parentalité cherche à garder le lien
- Article 32 - Face à la crise sanitaire, les maires au secours de leurs administrés
- Article 33 - Les personnels sont sur les genoux
- Article 34 - Les Hauts-de-Seine accompagnent les jeunes pendant le confinement
- Article 35 - Coronavirus : l’école au temps du confinement
- Article 36 - Stop aux féminicides : pendant le confinement, la lutte continue
- Article 37 - Les lois de finances s’adaptent à la crise sanitaire
- Article 38 - Déconfinement : quelles responsabilités pour les décideurs locaux ?
- Article 39 - Assouplissement financier pour les ESSMS : une circulaire détaille les règles
- Article 40 - Coronavirus : et si la deuxième vague était une crise sociale !
- Article 41 - Les Ehpad veulent sortir de la tourmente
- Article 42 - Le dispositif de dépistage se met en place
- Article 43 - Crise sanitaire : dernière minute !
- Article 44 - Coronavirus : un dispositif de prévention pour les enfants à Amiens
- Article 45 - Covid-19 : un tsunami qui interroge l’avenir de la Sécurité sociale
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